dimanche 8 février 2015

Extrait N°1


Le bus s’arrêta à peine qu’Anna l’entraînait déjà dans la cour. La brune manqua de trébucher mais se rattrapa juste à temps. Elle n’avait pas besoin de faire une scène supplémentaire, celle du bus lui avait amplement suffit pour la journée. Sa meilleure amie poussa une porte, et elles se retrouvèrent dans les toilettes des filles qui étaient vides. Dans cet endroit clos, Ilyana se sentit enfin en sécurité et n’empêcha pas Anna de lui retirer ses lunettes de soleil.
Il lui fallut un bref instant pour s’habituer à la différence de luminosité. La jeune fille passa une main sous ses yeux, mais Anna s’empressa de la lui retirer et la poussa devant le miroir.
Ose-le nier Ily, mais tu es belle.
Ilyana ne dit rien. Elle avait pris l’habitude de ce « rituel ». Anna espérait qu’il puisse l’aider un jour…
Elle soupira et se regarda dans le miroir. Non, elle LES regarda. Sa différence, ce qui faisait d’elle celle qu’elle était, celle dont tout le monde avait peur…On pourrait se demander pourquoi une si petite chose causait tant de souffrance, pourquoi même la créature la plus immonde dans cet univers s’enfuirait. Oui, elle faisait cet effet-là, à tout le monde, sauf à Anna.
Oh Ily, ce que je t’envie, affirma-t-elle en s’asseyant sur le rebord du lavabo, pour la fixer de ses yeux pétillants d’admiration.
Ilyana passa une main devant son visage et eut l’étrange impression que c’était le miroir qui la regardait. Ses yeux, si envoutants et effrayants…
Couleur de l’océan, waouhhhh, s’esclaffa Anna.
La brune soupira.
Oh Ily, non pas en gris, allez Ily, souris un peu.
Elle tourna la tête vers la rouquine et son regard si pétillant lui réchauffa le cœur, si bien qu’elle sentit ses yeux prendre une autre couleur.
Ambre.
Anna était sa meilleure amie, elle était la seule qui puisse la regarder ainsi et l’aider à se sentir, rien qu’un court instant, comme une jeune fille normale…
Le jeu des couleurs se poursuivit quelques minutes. Elle lui parla de choses qui agacèrent Ilyana et ses yeux virèrent au rouge. Anna en rigola, elle ne put s’en empêcher à son tour. Ses yeux étaient verts maintenant, elle n’avait pas besoin de se regarder dans le miroir pour le savoir. Elle le ressentait, ces émotions qui l’habitaient, cette différence qui faisait d’elle cette jeune fille que tout le monde fuyait comme la peste. Grand-mère disait que c’était un don de dieu, elle avait plus l’impression que dieu l’avait punie. Peut-être parce qu’elle n’était pas morte avec ses parents ? Les gens le disaient de temps en temps. Elle était la sorcière, celle qui avait survécu… Anna perdit son sourire. Ilyana savait qu’elle voyait ses yeux prendre la couleur de l’acier, on ne devait même pas distinguer ses iris. Elle n’aimait pas faire de la peine à son amie, alors elle chassa de son esprit cette profonde tristesse et ses yeux prirent une couleur grise. Elle ne pouvait pas faire mieux dans ces moments-là, la douleur ne la quittait jamais.
Rends-moi mes lunettes Anna, s’il te plait, murmura-t-elle en détourant le regard.
La rousse s’exécuta, à regret. Ilyana n’avait pas le choix, c’était son fardeau. Ces lunettes noires étaient sa seule échappatoire. Elles sortirent des toilettes pour se rendre en cours. Anna ne l’avait jamais quittée depuis qu’elle la connaissait. Elles avaient à peine six ans.
Bientôt dix ans d’amitié…pensa-t-elle, souriante.
Anna avait toujours fait en sorte qu’elles se retrouvent dans la même classe. Sa mère, qu’elle ne connaissait pas vraiment, avait beaucoup aidé. Peut-être que le directeur avait accepté de peur qu’elle ne lui jette un sort ? Peut-être croyait-il qu’Anna était la seule à pouvoir la contrôler ?


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